Ils trouvent Jean-Jacques nul...

"Quand les rumeurs 'vipèrent',
Quand l'image déteint...."

 

Pourquoi avoir créé une rubrique aussi ignoble pour les fans (ou magnifique suivant les avis) dans un site dédié à Jean-Jacques Goldman ?
S?rement pas pour détruire l'image du chanteur que nous respectons avant tout. Juste pour confronter des opinions (souvent peu objectives), des idées ou simplement constater les erreurs de ses detracteurs qui ont cr? à un succès éphémère de Jean-Jacques alors qu'il est devenu le chanteur le plus aimé des français. Pour montrer que les journalistes n'y vont pas de main morte pour détruire une personnalité dont le succès est grandissant !

Le 5 décembre 1985 au matin, on ne parle que de cela. L'article de Patrice Delbourg dans l'ֹvénement du Jeudi déchaמne les passions et les colères. Il reste à ce jour l'illustration exemplaire du décalage entre les médias et leur lectorat en ce qui concerne le traitement de la chanson dite de variété.

Il va bourrer le chapiteau du Zénith et pourtant...
Jean-Jacques Goldman est vraiment nul !

 

L'art de faire le plein avec du vide : merveilleuse alchimie que Jean-Jacques Goldman pratique béatement, comme un essayeur de guitares qui aurait des heures de loisir.

Tous les hommes sont nés chanteurs... sauf quelques chanteurs. Goldman est de ceux-là. Rien ne prédisposait ce gentil dadais, longueurs et pointes, convenable, ancien diplômé d'HEC et animateur de chorale, à devenir la mascotte des ados et pré-ados de douze à seize ans. Rien, sinon une affabilité tous terrains, en lisière avec l'image bêtasse et godiche d'un Duteil, qui aurait d? le mettre au-dessus de toute critique acrimonieuse. Erreur ! Il est de salubrité publique de crier haut et fort qu'avec Jean-Jacques Goldman on s'approche au plus près du degré zéro de la chanson française. Une sorte de panacée de la grande vacuité musicale de ce milieu de décennie vagissante.
A trente-cinq ans, l'ex-guitariste de Taן Phong reconverti dans la savonnette manufacturée aime à dire : « Les chansons sont souvent plus belles que ceux qui les chantent. » Nouvelle méprise ! L'homme est charmant, mais ses ritournelles sont navrantes. Après le succès de Il suffira d'un signe, Goldman n'a cessé de s'autoplagier, exploitant jusqu'à la corde le filon des ballades scouts, révisées funky avec une savante panoplie d'arrangements racoleurs : Quand la musique est bonne, Envole-moi, Je marche seul, etc. Bouchons à l'entrée des mange-disques. Le million de rondelles est allégrement franchi. Un prodige au moment oש les maisons de disques crient famine ? Qu'importe, au-dessus de la mêlée, le BHL de la ritournelle gère mièvrement son patrimoine d'inanité sonore.
Adepte du tube-éprouvette, la scène n'est guère son affaire. Et pourtant il faut bien s'y coller. Goldman y paraמt aussi peu à l'aise qu'un louveteau dans le vestibule d'un life-show. Il présente bien mais plaisante moins. S'il se mêle de faire des enchaמnements humoristiques, genre talk-blues, on souffre pour lui. Devant tant de gentil patronage, les mouflets lèvent leur briquet allumé, comme autrefois leurs grands frères pour Léonard Cohen. Et puis, il fallait bien s'y attendre, Goldman chante. Une curiosité. Pourquoi ne fait-il pas de la peinture, se demande-t-on tout de suite. La voix s'étrangle dans les aigus, semblable aux piailleries d'une orfraie tétanisée. Les premiers rangs craignent une otite. Les balcons demandent des cotons-tiges. Il paraמt qu'il a commencé par le violon, certains préféreraient le voir au bloc.
Au fait, que nous dit-il ? Difficile ? discerner. Refrains boiteux, inspiration indigente, ces bredouillis énamourés semblent hâtivement traduits du moldo-valaque. Avec Goldman, le face-à-face avec l'écriture relève de la brève escarmouche. Son extrême économie de moyens confine à la disette créatrice. Comme beaucoup, nous direzvous. Certes, mais Goldman est une vedette, Goldman est un gros vendeur de disques, Goldman est en passe de devenir un phénomène de société, il semble donc requérir la carrure suffisante pour supporter cette esquisse de lynchage d'une image publique, aussi partisane soit-elle.

I,e succès est là, vague déferlante. Mais qu'est-ce que la vogue en chanson sinon le résultat de l'adaptation d'un esprit malin au grégarisme du moment ? Goldman est un magniflque exemple de chantre mou, systématisant le couac et réinventant le néant des décibels avec la fausse modestie du doux troubadour qui fleurit chaque soir sur l'estrade pour donner ses toutes petites graines de somnifère. D'une rare opiniâtreté dans le médiocre, d'une haute fidélité dans le lieu commun, il est plus juste de parler de décomposition que de composition. Certains de ses refrains sont tellement désolants, que dans certaines préfectures, ils pourraient servir de peine capitale.
Ne touchez pas aux idoles, la dorure vous reste sur les doigts !
Mais puisque l'on parle davantage, ces temps derniers, de location que d'émotion, il n'est pas douteux que ce gracieux muscadin du vinyle fasse un excellent score au Zénith, ce qui infligera un cinglant démenti à ce présent article, malintentionné et sale bête. Du moins cela rassurera les mercantiles du sillon, les marchands de sirop et ceux qui pensent qu'un plan de carrière artistique peut être programmé comme un itinéraire électoral.
Pour tous les autres, s'il y a du monde dans le métro à 6 heures du soir, ce n'est pas pour cette raison qu'il y a quelque chose à voir et encore moins à entendre... Dire que Jean-Jacques Goldman est un produit pharmaceutique au go?t saumâtre et aux effets secondaires fâcheux n'est pas un outrage, c'est un diagnostic. Mais les gens aiment bien les purges. Comme les gousses d'ail, elles éloignent les mauvais génies. La preuve du pire, c'est parfois la foule. Elle sera au rendez-vous.

Patrice Delbourg
L'ֹvénement du Jeudi, 5 au 11/12/85.

Suite à cet article, les réponses dans le courrler des lecteurs... :

Lui, Khomeiny l'aurait libéré !

D'oש le sortez-vous celui-là ? Est-ce un rescapé de Mein Kampf ? Je pense qu'il doit en vouloir à Goldman d'être juif ! On a l'impression qu'il n'arrive pas à ravaler sa bave. Il faut le faire vacciner contre la rage. On peut ne pas aimer un artiste mais là, c'est de la démence. J'aime votre hebdomadaire car il traite les problèmes et les sujets avec sérieux, compétence, modération, tolérance, sans passion excessive, ni haine. A travers cet article je ne reconnais pas l'ֹvénement du Jeudi. II est bien dommage qu'au Liban vous n'ayez pas envoyé ce Delbourg plutôt que M. Kauffmann ; vu son état de folie avancée, Khomeiny aurait reconnu l'un des siens et l'aurait fait libérer.

Guy Caillaud, Rueil-Malmaison

Zéro pointé !

Que vous soyez sec, insensible, "adulte" ou plutôt vieux dans le coeur et dans l'âme, tant pis pour vous ! Mais sachez que je ne suis ni un mouflet ni une minette mais une étudiante de vingt ans qui a grandi avec les chansons de J.-J. Goldman grâce à la sincérité, la sensibilité, la complicité que je trouve en elles (...) sans oublier, ne vous déplaise, un talent réel. Oh ! bien s?r, lui ne fera pas d'interview tapageuse, avec scandale à la clé comme il est de bon ton. (...) Zéro pointé pour votre article, un peu facile, raide et sec : aucune humanité.

Christine Gabellini, Rueil-Malmaison

Altéré par le voisinage de Céline ?

Si, comme semble le souhaiter P. Delbourg, seules les personnalités de talent avaient le droit de s'exprimer, votre hebdomadaire compterait peut-être un collaborateur de moins. En raison de l'inconsistance de la démonstration de P. Delbourg (Goldman est nul parce qu'il est nul, donc il est nul - CQFD), je n'ai toujours pas compris si le plus nul était Goldman, son public ou l'auteur de l'article que vous avez publié. (...) Je me suis en outre demandé si le "jugement" de P. Delbourg n'avait pas été légèrement altéré par le voisinage de sa rubrique avec un article consacré à Céline. (Anéantissement de la chanson française, allusion péjorative à B.H.L., grossière référence au "moldo-valaque"). Si le ton s'y trouve bien, l'art de l'écriture y fait néanmoins cruellement défaut - pour le lecteur, s'entend. En bref Delbourg semble être à Céline ce que Goldman est à Brel ou à Brassens,

Laurent Levy (étudiant), Lyon

Ne vous pasqualisez pas !

Ne pas reconnaמtre un peu de talent à Goldman, c'est admettre que les 8 000 personnes qui vont chaque soir le voir et l'écouter sont des nuls. (...) Votre article se veut polémiste. A la manière de Pasqua en politique, vous voulez crier fort, être véhément, employer des allégories pour mieux marquer votre originalité. Piètre manoeuvre. Soyez humble ! Ne vous « pasqualisez pas », sinon demandez à aller à Paris-Match ! Cordialement quand même.

Dominique Portier et Xavier Moussard, Rueil

Assez des petits branleurs de guitare !

Lundi 2 décembre, sur TFl coup de coeur d'Henri Tisot en faveur , entre autres, de la chanson française que tous les médias audiovisuels prétendent servir. Alors que, le plus souvent, directement ou indirectement (tous les coups sont permis), ils ne nous servent que de la soupe, ou, plutôt, pour parler franc et en français, que de la merde, f?t-elle, comme dit la pub, « moulée à la louche », voire "essayée et approuvée" et autres cabots du petit écran. Jeudi 5 décembre, en écho, paraמt dans l'ֹvénement du Jeudi l'article de Patrice Delbourg intitulé "Jean-Jacques Goldman est vraiment nul". C'est l'évidence même. Mais ce n'était pas si évident (ni si facile, si j'en juge - également après enquête) pour un rédacteur qui, avec Jérôme Garcin, assure la critique littéraire dans cet hebdomadaire que d'avoir osé détrôner ce veau d'or du showbiz. Bravo et donc merci à Henri Tisot et à Patrice Delbourg d'avoir eu le courage d'être les porte-parole d'une majorité, jusque-là trop silencieuse, qui en a assez d'avoir les oreilles rebattues avec les insignifiances de petits branleurs de guitare, dont le super Golderacker est précisément celui dont on vient de causer. Car, cette semaine encore - curieuse coןncidence ! - ce foutriquet du cacheton tous azimuts refait la manche dans Télé-Poche. (...) De sa voix, qu'on devine haut perchée, et ne doutant plus de son génie poético-musical, il confie docte et ser(e)in : "Tout ce que je peux exprimer en dehors de mes chansons sera moins bien dit." Incroyable : il peut encore faire pire que ses chansons ! On demande à lire sa prose. Chiche, qu'il écrive un bouquin qu'on se marre enfin. Ou, plutôt, tremblons. Car gageons que ce ballot de l'estrade finirait bien par passer à "Apostrophes" : on y a bien vu François-Marie Banier pour son Balthazar, fils de famille, n'en déplaise à Gallimard, et, surtout, à Bernard Pivot, que j'admire sincèrement et dont j'adore les émissions, mais qui, parfois, semble céder candidement aux sirènes d'une renommée qui doit plus aux certitudes d'un passé antérieur qu'aux doutes d'un subjectif présent.

Benoist Lambin, Paris.

ַa craint !

Bien que n'étant pas un inconditionnel de Goldman, je trouve que cet article « craint » énormément. Une critique « type char d'assaut ! » a-t-elle vraiment sa place dans un journal qui a l'ambition de planer au-dessus de la mêlée ? Que l'on critique d'accord, mais un peu de subtilité ! La seule explication, c'est que P. Delbourg avait un compte personnel à régler avec "le gracieux muscadin du vinyle."

Luc Siebert, Villeurbanne

Un véritâble Aârtiste, Quoââ !

Parce qu'il refuse la caricature, les attaques gratuites, dérange et incite toujours à la réflexion, j'aime l'ֹvénement du Jeudi. Mais (à propos de J.J.G.), chapeau ! Tous les ingrédients du discours sectaire sont réunis : l'amalgame (...), le manichéisme (...) et le mépris des autres : description apocalyptique d'un public crétinisé, malaxé par des Monsieur Loyal passés maמtres dans l'art "d'abalourdir" des parterres grégaires à faire pâlir d'envie un premier secrétaire du PC soviétique ! (...). La suprême insulte est lâchée : Goldman a un public, il vend des disques, il est, osons le dire com-mer-cial ! Quelle horreur ! (...) En un mot, il a le mauvais go?t de réussir ce qu'il entreprend. (...) Le même article aurait pu paraמtre dans le Figaro Magazine. (...) Désormais, j'éviterai de lire la page "variétés". A moins que Delbourg ne nous déniche un artiste qu'il aime : s?rement un vieux chanteur laid qui ne vend pas de disques et chante devant des salles vides. Un véritâble âârtiste quoââ ! comme on dit dans les salons loin de la populace (...) masochiste qui, en achetant les journaux, fait vivre M. Delbourg.

Eric Fallourd, Clamart

La bave du crapaud et l'étoile

Il est jeune, beau, intelligent et, comble de l'insolence, il a du succès ! (...) Heureusement comme chacun sait et comme l'avenir le prouvera, la bave d'un crapaud n'atteint pas l'éclat d'une étoile.

Brigitte Fleury, Montoire

Je ne vous pardonnerai jamais

Comme dit monsieur François de la Rochefoucauld : "Si nous n'avions point de défauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir d'en remarquer chez les autres." Monsieur Delbourg, je ne vous pardonnerai jamais le mal que vous m'avez fait en insultant de la sorte Jean-Jacques Goldman.

Dominique C., Saint-Lô

Ni débile ni inconditionnelle

J'ai vingt-trois ans et je ne suis ni totalement débile (je lis régulièrement l'ֹvénement du Jeudi) ni une fan inconditionnelle de ce chanteur. Pourtant de là à le traiter comme vous l'avez fait, il y a un océan... (...) Je ne comprends pas comment un tel chanteur a pu attirer une telle agressivité et je serais ravie que vous la réserviez à des sujets plus graves. Au fait, monsieur, tout cela ne m'empêchera pas d'aller grossir les rangs de ceux qui préfèrent écouter J.J.G. que de prendre le métro ! Relisez votre Histoire de France, les foules n'ont pas toujours tort.

C. Iché, Toulouse

Votre article est superbe !

Votre article sur J.J.G. est superbe ! Félicitations sincères. Des papiers comme celui-là sont trop rares dans la presse française pour laquelle écrire la vérité relève de l'événement pour ne pas encourager une telle plume. Chapeau et continuez !

Eric Escoda, Villejuif

Voyez le trouble que vous semez...

Sortant à l'instant du Zénith, je dois vous avouer que j'ai passé un moment fort agréable. (...) N'est-ce pas votre société que vous ne supportez plus, cher Patrice ? Il faut vivre avec. Sans être un morceau important de la culture française actuelle, c'est loin d'être si nul et si vide que vous le dites. (...) Je veux enfin souligner le côté sympathique du personnage : il ne triche pas, ne méprise pas son public. II ne défraie pas la chronique avec des problèmes sentimentaux. Il n'utilise pas comme tant d'autres des pseudo-engagements politiques à des fins de publicité. Je laisserai le dernier mot à ma petite soeur (17 ans) qui est une fan de J.J.G. (pardonnez à son âge !) : « Ce Delbourg, je suis s?r qu'il est antisémite ! ». Voyez le trouble que votre véhémence peut semer dans ces jeunes esprits ! Avec, malgré tout, toute mon estime et mes félicitations pour l'ensemble du journal.

E. Huttner, Paris

Comment osez-vous ?

Comment osez-vous mettre les dates du concert à la fin de l'article alors que tout est fait pour dégo?ter le public ? (...) Il n'y a aucun mot assez fort pour réagir face à cet odieux article. Je vous le dis, j'aurai réagi de la même façon pour n'importe qui, même pour quelqu'un que je n'apprécie pas. II est inacceptable de savoir que des milliers de personnes vont lire ça et avoir une image totalement fausse de Goldman. (...)

Muriel Rodriguez, Toulouse

Pourquoi Yves Duteil ?
Nous hésitons entre l'indignation et la déception. (...) Nous sommes surtout troublés par le rapprochement entre J.J. Goldman, B.H.L., Yves Duteil et Léonard Cohen car cela n'est pas sans rappeler l'amalgame qu'avait fait Le Pen entre Yvan Levaן, Jean Daniel, J.P. Elkabach et J.F.K. Vous aviez alors dénoncé publiquement et à juste titre l'ignominie de telles pratiques.

Signé par huit lecteurs parisiens

Brassens, Devos, Goldman et... nous

Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre hebdo. (...) J'ai vingt-sept ans, je suis claviste et si je ne suis pas d'un niveau intellectuel des plus élevés, je ne pense pas non plus avoir l'âge mental de quinze ans. Je suis une inconditionnelle de Brassens et Devos. Libre à P. Delbourg d'aimer ou non Goldman, libre à lui de l'écrire mais (...) le but de cet article me laisse songeuse : que lui reproche-t-il au juste ? De chanter ou d'avoir du succès ? En ce qui me concerne, je ne reste pas insensible aux musiques et paroles dudit chanteur.

Catherine Demange, Paris

C'est du Miro à la sanguine, bravo !

Un régal, votre exécution de Jean-Jacques Goldman ! Je croyais être tout seul, étant donné que même ma propre fille (pensez donc !) rêvait d'un sac marin pour marcher seule. Je croyais être seul à ne pas admettre la nullité poussée à l'extrême limite du spectre lumineux, côté infra-rose... Nous sommes au moins deux. Patrice Delbourg, j'aime bien quand vous flinguez un mec. Vous ne vous contentez pas de lui balancer des bastos en pleine poire pour la beauté des giclées d'hémoglobine. C'est du Miro, à la sanguine. En plus, vous lui flanquez le genou dans les testicules, rien que pour stimuler ce qui lui reste de canal médullaire. Bravo. Il faut le crier, j'aime ça. Jean-Jacques Goldman est vraiment nul, mais vous me l'avez abמmé. Je crois me souvenir que vous m'aviez fauché Sardou pour sa tronche en coin, et pour son air de se faire éternellement chier, même si Hersant - simple supposition - décrochait l'ֹducation nationale. Vous ne me couillonnerez pas avec Mader. Celui-là, je me le réserve. J.J.G., d'accord. Je n'en ferai pas un drame. D'autant plus que ça va être super de le voir se traמner dans la glaire rosâtre jusqu'au podium du Zénith, avec sa guitare-prothèse, "Je marche seul" II ne pourra plus scander les cadences de sa souffrance avec ses baskets. II marche seul, on n'en a rien à cirer, inutile de nous inviter à partager son chemin de croix avec un tic racoleur qui lui sabre la joue et fait branler sa mèche. Delbourg l'a réduit en ectoplasme. (...)

Frédéric Klein, Annemasse

Le 20 décembre 1985, rebelote avec Le Nouvel Observateur

Plaidoyer pour Goldman

 

Look : nul. Message : zéro. Alors comment se fait-il que ce jeune homme qui "marche seul" soit devenu le chanteur français le plus populaire ?
Goldman est-il coupable ? A étudier son press-book, on en serait persuadé. II ne s'en cache tellement pas qu'il a fait imprimer sur le programme de son spectacle les critiques les plus saignantes. "L'idole des minettes", "le roi du tubegentillet"· et son "esthétique du minet funky-chic", "Le BHL de la ritournelle", "le chanteur mou" de "bredouillis énamourés traduits du moldo-valaque" s'est déjà pris une sacrée raclée.
Pour susciter une telle hargne, il a d?, se dit-on, commettre un crime bien crapuleux. Il ne le nie pas. Il plaide coupable. C'est lui le débiteur de tubes à la tronçonneuse, le violeur de tympans, le couineur de la bande FM. Oui, lui ! le braillard. « Quand la mnsique est bonne... » Celui avec la voix aiguכ - "jusqu'au bout de mes rê-ves". Le mignon ! Avec son air de fiancé-à-ma-petite-soeur, qui nous balance trois hits par an depuis 1981. Pourtant, malgré ses 750 000 45-tours vendus à chaque fois, malgré ses disques d'or et de platine, malgré son triomphe à Paris oש il vient de terminer une tournée sold-out (prévue au départ pour douze jours, sa série de concerts au Zénith fut prolongée soir après soir vu la demande et il y serait encore si la salle n'avait été retenue par ailleurs), malgré ce succès indécent-sans promotion, sans annonces radio, sans interviews, sans campagne d'affichage (elle était prévue, mais fut annulée pour cause d'affluence)-, malgré les 6 000 spectatrices chaque nuit (dont un tiers de garçons !) chantant toutes ensemble « Je marche seul ! lQuand la vie déraisonne l Sans témoins, sans personne... y, malgré tout cela, on peut l'affirmer : Jean-Jacques Goldman est innocent.
Innocent, il l'est de naissance. Fils d'un juif allemand et d'une juive polonaise, né en 1951, il a, de son propre aveu, vécu « une enfance et une adolescence sans révolte ni ambition particulière ». S'il est une star aujourd'hui, c'est bien malgré lui, il n'a rien fait pour et préfère se décrire comme "un père de famille paisible (trois enfants), ne rejetant ni le travail ni le confort". S'il y a un phénomène Goldman, c'est celui-là : qu'un jeune homme aussi férocement banal soit devenu le chanteur français le plus populaire des années 80.
Le look ? Y a pas. Jean presque neuf, chemise presque blanche, presque repassée - avec cravate, cheveux ni courts ni longs, tennis et chaussettes, cuir beau mec - mais sans aller jusqu'à la chaמnette or avec scorpion (son signe) ou étoile de David sur les poils du torse. J.J. Goldman fait son maximum pour ne pas être trop. En 1980, CBS l'a lancé-il avait déjà 29 ans, il avait été guiratiste du groupe Taן-Phong, auteur d'un hit éphémère en 1975, « Sister Jane », tout en travaillant, par sécurité, comme vendeur dans le magasin de sport monté avec son frère après des études à l'EDHEC de Lille. Premier 33-tours (préparé pendant un an), premier tube "Il suffira d'un signe". Il voulait appeler son disque : « Démodé .~. Niet, disent les producteurs. Son deuxième s'appelera "Quand 1a musique est bonne" . et non "Minoritaire", comme il l'aurait souhaité. Il ne choisit rien. Sauf son nom : il a refusé d'en changer, malgré l'insistance des managers. Le titre du troisième-"Positif". -, on l'accepte, parce qu'il est positif.
Jean-Jacques Goldman est modeste. "Je fais de la musique utilitaire sur laquelle on peut danser... Quitte à faire des chansons, autant qu'elles ne soient pas trop idiotes...". Il est timide. "Je n'ai pas une nature à vouloir m'imposer..." II n'aime pas la scène. "Je ne suis ni une bête de scène ni un danseur. le ne sais pas improviser. Ce que je dis entre les chansons, c'est écrit d'avance." Le succès ? "ַa ne prouve rien. Question de circonstances, de mode et de chance. A 100 000 albums, on est pas mal. A 300 000, on devient intéressant. A 500 000, alors là carrément irrésistible." Le Zénith ? "C'est facile. La salle m'est acquise d'avance. Heureusement. S'il me fallait convaincre, je préférerais m'en aller."
Il n'arrête pas de s'excuser. it se dit "conformiste par nature", à regret. II dévoile si honnêtement sa stratégie qu'on le prend pour un roublard. "La presse ne fait pas vendre de disques". Alors il multiplie les passages radio, les apparitions télé dans les émissions grand public mais refuse les interviews à la presse écrite-sauf à la presse ado et aux quotidiens de province. Produit parfaitement ciblé. Parfaitement neutre. Parfaitement seul. Jean-Jacques Goldman n'est pas Jean-Jacques Goldman. Je demande le non-lieu.

Marie Muller.
Le Nouvel Observateur-20-26 décembre 1985

La réponse des lecteurs du Nouvel Observateur : c'est dans son pubHc que l'on rencontre les meilleurs avocats de la défense...

Le procès de Marie Muller

"Muller était-elle coupable ? - Oui - Circonstances atténuantes ?-Aucune si ce n'est l'incompatibilité de ses origines-Verdict ? - Coupable à l'unanimité." Voilà mon plaidoyer, chère Madame Muller, vous qui êtes grande par le cynisme, par la méchanceté de salir un être dans sa vie professionnelle ô combien épanouie, dans sa vie privée, ou tout simplement l'être fragile et fort, modeste et grand à la fois qu'est Jean-Jacques Goldman.

Muriel Sabbah, Nice

Les nombreux fans de Goldman

L'insistance sur le sionisme de Goldman peut paraמtre quelque peu malsaine. Malgré le non-lieu invoqué par Marie Muller, cet article demeure assez provocant pour les nombreux fans de Goldman. Comme nombre de critiques, on semble ici encore oublier qu'une chanson ne doit être ni une oeuvre littéraire ni un air d'opéra. Une chanson, de variétés, recherche avant tout une certaine sensualité, ce pour faire danser les ados que nous sommes, et également pour émouvoir, toucher les plus « paumés » d'entre eux, qui sans réve et sans musique, resteraient asociaux. Nous pourrons donc nous interroger quant à la nécessité d'un nonlieu, à moins toutefois qu'aider les paumés de notre société soit un crime. En outre, apprécier Goldman n'exclut absolument pas le fait d'adorer Mozart, et les minettes fans de musique classique étant plutôt rares aux dernières données corrigées, nous pourrons également discuter la qualité de minettes - au masculin comme au féminin - des goldmaniens dans leur totalité.

Laurence L., 16 ans, Cambrai

Rien n'est plus féroce qu'un gentil

"Férocement banal", Jean-Jacques Goldman ? Allons donc ! Banal d'être sain et équilibré à notre époque ? Banal de prôner la culture qui seule permet de s'en sortir ("à coups de livres. je franchirai tous ces murs".). Banal de bannir (sic) toute forme de drogue (« Médicaments blues ») ? Banal d'être antiraciste viscéralement ? Banal d'accepter profondément toutes les différences (« Ton autre chemin ») ? Hélas, c'est lui qui a raison : Jean-Jacques Goldman est bien minoritaire, et ça n'est pas banal. Quant à sa prétendue "innocence", elle ne trompe personne. On ne devient pas "star malgré soi" en peaufinant sa musique pendant quinze ans. II n'a que ce qu'il mérite. Mais, par pitié, n'en faites pas un benêt (même avec humour) sous prétexte qu'il se préserve. Il est encore fichu de vous répondre (avec humour) par un tube. Rien n'est plus féroce qu'un gentil. Une fan pas "tarée" qui lit même (souvent) "le Nouvel Obs".

H Christiane Ferreri, Paris

Pas un surhomme, un homme

Chère Marie Muller, je viens de lire l'article que vous avez consacré à Goldman... Avant toute chose, merci de n'y être pas allée au bazooka, même si derrière votre plaidoyer pour cet homme qui a l'insolence de crier qu'il marche seul, il y a cet incontestable élan du coeur : « Laissez-le vivre ». On n'en demandait pas tant ! Cela dit, je suis certaine que vous ferez s?rement mieux la prochaine fois si vous prenez la peine d'écouter dans leur intégralité tous les albums de Golman. Non que je veuille vous convertir à tout prix, mais pour que vous puissiez comprendre pourquoi un mec aussi banal, aussi loser, aussi nul, rencontre autant de succès. Il serait temps que les intellectuels « parisiens » cessent de croire que l'archétype du fan de Goldman est une minette de 15 ans qui lit assid?ment le courrier du coeur dans O. K. Magazine. Vous êtes trop bonne de souligner qu'il y a au moins un tiers de mâles dans les salles oש passe Goldman ! Je fais donc partie du cheptel qui suit fidèlement Goldman, et pourtant, je vous jure que j'ai eu ma dose de Sartre et que j'ai commencé très tôt à biberonner au Nouvel Observateur 5...). Et si vous vous demandez, intriguée, ce qui me fait courir, avec tous les autres, applaudir le chanteur du vide, de la solitude mais aussi de l'amitié et de l'amour (libre à vous de penser s'il s'agit là de poncifs), alors voici ma réponse. A droite, il y a super-Tapie et ses carpettes de jeunes gens BCBG, la France pure souche qui se trémousse devant un monsieur qui réussit (même ses dettes) avec un seul franc symbolique... Et puis à ma gauche, il y a Goldman et ses milliers de groupies... Goldman qui chante tout le temps que c'est déjà dur d'être un homme tout court dans le monde oש l'on est, et qui pour avoir raison ne veut surtout pas un jour faire partie des surhommes... Ceux-là, souvenez-vous en, on en connaמt non ?

Evelyne...

Quelque peu agacé par une grande presse peu soucieuse de l'exactitude des informations données à son propos, Jean-Jacques Goldman répond :

Une lettre de Jean-Jacques Goldman

Mon père n'est pas "juif allemand"· mais "juif français" ma mère n'est pas "juive polonaise" mais "juive française". Je regrette d'avoir à rectifier ce genre d'« erreur » dans les colonnes du « Nouvel Obs ». "Il ne choisit rien", c'est vrai, sauf quelques petits « détails » : les musiques que je compose, les textes et arrangements que j'écris, la réalisation et les instruments que je joue. Le "reste" ( ? ? ?) m'intéresse effectivement moins... S'il est exact que je ne revendique ni look, ni vie privée tapageuse, ni « message » susceptible de faire bander Marie Muller, j'avoue ne pas être mécontent d'entendre les gens chanter "Je te donne toutes mes différences, tocrs ces défauts qui sont autant de chances", à quelques mois d'une campagne électorale qui s'annonce plutôt... louche. Enfin, concernant mes réticences vis-à-vis de la presse dite « grande », les lecteurs comprendront peut-être mieux mon manque d'enthousiasme et de plaisir à rencontrer ce type de... (j'ai failli dire journaliste). Cependant, j'avais appelé votre collaboratrice (à sa demande) mais, décrétant que je n'avais pas la « voix de JeanJacques Goldman », elle a cru à une blague téléphonique d'un de ses amis (apparemment pleins d'humour !) et m'a raccroché au nez !

J.-J. G.

Marie Muller répond

Que Jean-Jacques Goldman veuille bien m'excuser. Pour le raccourci concernant ses parents. Et pour lui avoir raccroché au nez (on m'avait fait par deux fois la plaisanterie et je commençais à la trouver saumâtre). Par contre, la réflexion concernant son « look » et son "message" n'est pas de mon fait. Au contraire : que Jean-Jacques Goldman se moque de son « look », n'ait pas la prétention de délivrer un « message » et répugne à rencontrer les journalistes me le rend tout à fait sympathique. Je suis désolée de l'interprétation négative qu'il a faite de mon papier.

M.M. Le Nouvel ObservaAeur 17/1/86

 

 

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